samedi 24 mars 2007

Les Bâuls du Bengale.

D. COUR nous a présenté son installation sur un texte Bâul qui dit la nécessité de fusion entre le matériel et l’esprit :
Où est la mer sans fin ?
Où est la rivière et ses remous ?
Si tu veux connaître le flot secret qui les unit,
Marie ton coeur à tes yeux.
Alors,
Les yeux de ton coeur détecteront
Le jeu sublime.


Cette étonnante fusion entre le matériel et le spirituel, entre le mondain et le dévotionnel, le simple et le complexe est très révélatrice de la pensée Bâule, de cette façon de vivre qui mêle, sans rien rejeter, les plaisirs de la vie avec l'aspiration divine. Car pour les Bâuls, tous les actes de la vie quotidienne peuvent mener à la félicité. Ils sont en quête perpétuelle de l'Adhar Manush, "l'Homme essentiel", ce coeur en lequel réside la conscience universelle, cette partie insaisissable de chaque être qu'ils honorent à travers leurs chants et qui résume l'objet de leur ascèse. Cette recherche de l'Homme dans l'homme est le fondement même de la spiritualité bâule. "Tu ne peux devenir que ce que tu es déjà. Il n'y a pas d'autres chemins que toi-même. Tu es une abeille. Quand rien ne t'en empêche, tu voles directement vers le lotus ouvert de ton coeur."

Les Bâuls sont des êtres libres, bardes – philosophes – mendiants.
Les Bâuls croient par-dessus tout en l'homme. Les castes, les divinités particulières, les lieux sacrés, ne jouent aucun rôle dans leur vie. Ils appellent leur chemin "ulta", le "chemin inverse", car ils estiment qu'avancer spirituellement, c'est avancer contre le courant. Leur discipline est celle de l'indiscipline.

Ils préfèrent les humains aux divinités, fustigent les dogmes religieux, conspuent les systèmes de caste et abordent la spiritualité en termes érotiques, ils sont Bauls (du sanscrit «batul»), littéralement «fous de dieu» (au sens noble ou "fils du vent", ivres d'aspiration divine, et ont construit leur art de vivre et de penser sur des idées inspirées à la fois du bouddhisme, de l'hindouisme et de l'Islam, foin des navrantes disputes théologiques... Leur sagesse syncrétique illustre parfaitement l'histoire du Bengale, leur terre d'origine qui, depuis plusieurs siècles, a accumulé les invasions (hindouiste, vishnouite, musulmane, tantrique, britannique...) et autant d'influences qui ont nourri l'art musical. Dans le chant et la musique bauls se reflètent tant les modes des ragas indiens que ceux du soufisme qawwali ou de la poésie du Rajasthan. Méditants assidus, pèlerins insatiables, anarchistes au coeur illuminé, les Bauls égrènent leurs leçons d'éthique à travers des chants incitant à la griserie mystique, avec une instrumentation aussi légère qu'envoûtante, de manière à voyager toujours plus loin.
Aujourd'hui, les Bauls sont des musiciens qui, comme les autres, ont pris acte des nouvelles conditions de diffusion des musiques folkoriques et traditionnelles et cherchent donc à faire valoir leur identité culturelle dans le dantesque chaudron bouillonnant de la world music. Leurs pérégrinations d'antan d'un village à un autre se sont adaptées à la géographie du «village global». Un Baul étant par définition un être ouvert et curieux, le métissage avec d'autres formes musicales est aussi dans sa nature.

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